Commerce : l’isolement de l’Inde
Le président Donald Trump a clairement exprimé ses intentions concernant les tarifs douaniers, les qualifiant de “plus beau mot du dictionnaire”. La Chine, le Mexique et le Canada sont ses premières cibles. Il a également menacé d’imposer des tarifs de 100 % sur les pays BRIC, y compris l’Inde [1].La perspective de restrictions commerciales est, bien sûr, préoccupante. L’Inde est un exportateur important de services informatiques et de produits pharmaceutiques vers les États-Unis. Cela dit, le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de l’Inde est relativement faible par rapport aux autres grandes économies (voir le graphique). Cela devrait placer l’Inde plus bas dans la liste des cibles lorsque les premières salves seront tirées.
De plus, l’Inde dispose de réserves de change substantielles, s’élevant à 635 milliards de dollars fin novembre [2]. Ces réserves devraient constituer un tampon pour défendre la roupie si nécessaire et permettre à la Banque de réserve de l’Inde (RBI) de mener des opérations sur le marché ouvert, assurant une liquidité suffisante dans le système.
Chart 1: US trade balance versus selected global countries, USDbn (2023)
Économie : penser global, agir local
Environ 80 % de la croissance du PIB de l’Inde est alimentée par les investissements internes, la consommation et les dépensespubliques [3].
Au cours de la dernière décennie, le gouvernement a mis en œuvre plusieurs réformes douloureuses mais cruciales, qui ont permis à l'Inde d'asseoir son économie sur des bases plus stables. Par exemple, la taxe sur les produits et services de 2017 a simplifié la structure fiscale de l'Inde, tandis que la baisse des subventions a renforcé la situation budgétaire du gouvernement. Ces mesures ont réduit la dépendance à l'égard des nouvelles émissions d'obligations comme source de financement. Le gouvernement a également pris des mesures supplémentaires pour réduire le coût des affaires en Inde.
Du côté des entreprises, l'accélération de la numérisation a permis d'améliorer l'efficacité et la rentabilité. Dans le même temps, les efforts déployés pour assainir les créances douteuses dans l'économie ont renforcé les bilans des entreprises.
Ces dernières années, le gouvernement a investi dans des projets de développement des infrastructures tels que la construction de routes, de ports et de chemins de fer. Les dépenses d’investissement privé ont suivi. De plus, l'Inde aspire à devenir un centre manufacturier mondial, à l'instar de la Chine, en s’appuyant sur la tendance à la diversification des chaînes d’approvisionnement internationales. L’Inde est déjà un centre mondial de services informatiques et d’autres fonctions de back-office grâce à sa main-d’œuvre qualifiée et rentable.
Depuis la pandémie, de nombreuses multinationales ont cherché à réduire les risques en diversifiant leurs chaînes d'approvisionnement - la stratégie de fabrication « Chine + 1 ». L'Inde, avec sa main-d'œuvre nombreuse, jeune, éduquée et anglophone, devrait bénéficier de cette tendance à long terme. Pour sa part, le gouvernement a encouragé les entreprises à déplacer leurs bases de production vers l'Inde par le biais d'initiatives telles que les programmes d'incitation liés à la production.
Ceux-ci offrent des allègements fiscaux et des subventions à l'investissement, en particulier pour les secteurs de fabrication haut de gamme tels que les smartphones.
Le chômage, qui a toujours été un frein à l'économie, s'améliore. Le taux est passé de 6 % en 2017 à 3,2 % en 2024 [4].
Un ralentissement temporaire dans une histoire de croissance prometteuse
Le climat économique actuel est plus difficile. L'économie devrait croître de 6,4 % au cours de l'exercice 2024-25 (contre 8,2 % l'année précédente), soit la croissance la plus faible depuis quatre ans [5]. De multiples facteurs ont contribué à ce ralentissement, notamment une demande des consommateurs modérée et une réduction des dépenses publiques. Nous pensons qu'il s'agit d'une accalmie temporaire.Alors que la demande urbaine pourrait rester affectée par les pressions inflationnistes à court terme, certains signes indiquent que la reprise de la demande rurale, attendue depuis longtemps, se matérialise progressivement. La mousson exceptionnelle de l'année dernière devrait contribuer à cette évolution. Les dépenses publiques en projets d’infrastructure devraient reprendre maintenant que les élections générales perturbatrices sont terminées et que les pluies de mousson prolongées ont enfin cessé. L'activité de construction devrait également reprendre. Nous surveillerons le budget pour l'année fiscale 2025-26, le 1er février 2025, pour connaître les priorités du gouvernement en matière de dépenses.
Parallèlement, après une période prolongée de taux d’intérêt stables, la RBI pourrait réduire les taux cette année.
Croissance des bénéfices
La croissance des bénéfices en Inde a ralenti au cours des derniers trimestres, parallèlement à une correction boursière marquée et prolongée. Cette tendance a été principalement entraînée par les secteurs financiers et de la consommation, qui constituent un pourcentage significatif des indices locaux. Cependant, la croissance persiste dans d’autres secteurs, tels que les télécommunications, l’informatique, l’immobilier et les produits pharmaceutiques. D'un point de vue structurel, nous nous attendons à ce que la croissance des bénéfices des entreprises reste robuste, soutenue par des vents macroéconomiques favorables et des bilans solides.Malgré ces défis provisoires, nos perspectives sont positives. Nous continuons à privilégier les entreprises qui affichent une croissance résiliente de leurs bénéfices, soutenue par des fondamentaux solides tels que le pouvoir de fixation des prix et la solidité des bilans.
Valorisations : les récentes corrections offrent une opportunité d’accumulation
Les actions indiennes ont toujours été relativement plus chères par rapport aux autres marchés émergents. La performance exceptionnelle depuis la pandémie a creusé cet écart. Cependant, la correction récente, due à une modération de la croissance des bénéfices, a fait reculer les valorisations. De plus, une partie de la prime de marché est justifiée par le contexte prometteur à long terme et l’impact des réformes sur l’économie globale. Les entreprises indiennes sont en relativement meilleure forme qu’auparavant, comme en témoignent la croissance régulière des bénéfices et le fait que les entreprises mettent en œuvre leurs stratégies.Pour les marchés actions, il est également important de comprendre le changement autour des flux domestiques. Nous avons observé une augmentation des achats au détail, avec une évolution notable vers les SIP (plans d'investissement systématiques), les investisseurs s’engageant à des investissements mensuels réguliers dans des fonds communs de placement. Si les flux se sont modérés au cours des trois derniers mois, cette tendance pourrait se poursuivre à long terme, l'épargne en actions représentant environ 9 % de l'épargne financière brute des ménages.
Néanmoins, il reste encore de la surchauffe sur le marché. C’est pourquoi nous accueillons favorablement la récente vente massive et la considérons comme une opportunité d’achat, compte tenu de notre perspective positive à long terme. En fin de compte, nous adoptons une approche « bottom-up » et évaluons les valorisations au cas par cas.
Pour conclure…
Malgré les défis à court terme, la croissance de l'Inde reste convaincante. Les politiques de soutien du gouvernement central et une décennie de réformes économiques nécessaires ont placé l'Inde sur une trajectoire positive. Le pays est également relativement protégé contre les guerres commerciales et tarifaires de l’administration Trump 2.0, ce qui confère à l'économie une certaine résilience en période de bouleversements.
À notre avis, la meilleure façon de capitaliser sur le potentiel de l’Inde est d’investir dans des entreprises de qualité qui bénéficient de vents structurels favorables à long terme, notamment la consommation dite « lifestyle », le développement des infrastructures, les soins de santé et le numérique. Comme toujours, une approche active et une connaissance du terrain resteront essentielles pour exploiter le potentiel de ce pays
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- Trump threatens BRICS nations with 100 percentage tariff - POLITICO
- https://rbidocs.rbi.org.in/rdocs/Wss/PDFs/2T_100120257C22A459144C4F72B7241378BC53A3AB.PDF
- Ficci revises India's GDP growth forecast at 6.4%, inflation at 4.8% - Times of India
- India's unemployment rate falls from 6% to 3.2% in last seven years | Capital Market News - Business Standard
- India's economy to grow at 6.4 per cent in current fiscal: FICCI - Daily Excelsior